Point de
vue sur le dialogue
Il y a un mois, le régime de Brazzaville a consulté des
personnalités de la classe politique Congolaise. L'objet de ces consultations
est resté imprécis. L'opinion publique a cependant décrypté les intentions
cachées du régime visant à rallier à sa cause le maximum de personnalités, à
défaut d'une allégeance des partis politiques. En clair, une quête d'adhésion
au projet de se maintenir au pouvoir quel qu'en soit le prix. A ce jour,
l'opinion constate l'inexistence de conclusion officielle que contrediraient
nul doute ces invités opportunistes. La fuite en avant relative à l'annonce de
la tenue d'un dialogue confirme que le chef de ce régime gouverne le pays de
façon totalitaire et unilatérale. Que le peuple congolais subit ce régime qui
use des alibis socio-politiques pour assouvir sa lutte au maintien. Dans un
fonctionnement normal, la conjoncture du pays se lit à travers l'avis
consultatif des instances de conseil institutionnelles prévues à cet effet. En
s'écartant des ses instances, le régime a volontairement et à dessein dévié de
ce cadre pour agiter l'opinion et amener la société dans des turbulences
inutiles. Nombreux sont les observateurs qui s'étonnent de cette démarche
politique au crépuscule du mandat du chef des rebelles du 5 juin 1997.
Force est de constater, une fois de plus, que le
Congo-Brazzaville entre dans une zone d'incertitudes politiques, présage à des
lendemains de mauvaise augure. Face à cette nouvelle donne, l'Alternative
Congolaise pour une Transition d'Etat (ACTE) expose les observations suivantes.
Les consultations du régime ont été motivées par des
raisons subjectives et concernent avant tout la situation personnelle de
monsieur Sassou-Nguesso. Cette situation est caractérisée par la nature de son
régime issu de la prise violente de pouvoir par coup d'Etat en octobre 1997.
Les conséquences sont la gestion chaotique et sanglante du pays. Sa démarche
entamée il y a un mois projette au plan national les soucis personnels d'un
homme et relève de la pure provocation. L'ACTE rappelle que le régime ne
souffre d'aucune crise institutionnelle. Par contre, son chef lui visiblement
est en crise existentielle intérieure.
D'évidence, Sassou-Nguesso écoute ses invités, tait ses
pensées mais pose des actes renvoyant ses interlocuteurs à leur propre
interprétation. Son silence n'est empreint d'aucune sagesse car l'homme n'a
rien à déclarer à l'opinion que ne dit déjà sa Constitution de 2002. L'ACTE
considère que, si d'aventure monsieur Sassou a quelque message à adresser aux
congolais, la place indiquée pour ce message est son parlement nommé. Il n'a
nullement besoin d'inviter des individus sans rang institutionnel dans son
système de gouvernance. En forçant le passage, il engage un bras de fer avec
les opposants à son régime et fait un pied de nez à l'opinion internationale.
En sortant de ses sentiers institutionnels, il aborde une approche relevant de
la palabre. C'est à dire, un conciliabule qui place les acteurs sur un plan
d'égalité, en l'occurrence de citoyens ordinaires.
L'ACTE considère que lorsqu'un pouvoir remet sa légitimité
au dialogue, ce pouvoir se s'aborde de fait. Par voie de conséquence, en toute
légitimité, un tel dialogue revêt automatiquement un caractère souverain pour
que ses conclusions refondent l'Etat.
Par ailleurs, l'Etat PCT confirme sa nature de parti
inféodé incapable de s'auto régénérer.
Ses querelles intestines des années passées entre les conservateurs et
les refondateurs ont créé une nébuleuse de personnalités qui, par hégémonie
politique, s'éparpillent et se fendent dans l'opposition au lieu d'assumer leur
qualité de dissidents internes au PCT non au régime. En réalité, ces
dignitaires sont des opportunistes qui espèrent une rotation d'homme au sein de
leur système. Leur conception, leurs pratiques politiques et leur culture sont
aux antipodes du changement démocratique initié par la Conférence Nationale
Souveraine de 1991. Leur déploiement relève de la tactique qui obéit à la
logique de conservation du pouvoir acquis par les armes et géré comme butin de
guerre.
En conséquence, l'ACTE qualifie ces consultations
d'agitation politique aux relents putschistes dans le but de pérenniser le
système actuel. Cette agitation témoigne néanmoins de la nécessité d'un
dialogue entre congolais. Un tel dialogue aurait le mérite de refonder la
république sur des bases saines et authentiques. La république ne doit plus
continuer à être gérée telle qu'elle a été conçue par les révolutionnaires et
marxistes du PCT. Elle doit opérer un changement en profondeur et en surface.
En profondeur, la république doit se refonder à partir des normes démocratiques
universelles en s'inspirant des paradigmes propres aux bantu pour son
existence. En surface, l'homme politique et le citoyen doivent retrouver ces
valeurs civilisationnelles Bantu pour se mouvoir dans le vivre ensemble.
La paix au Congo est à ce prix !
Ainsi :
Premièrement, l'ACTE rappelle ses exigences du départ sans
condition de Sassou-Nguesso et de son système. Car, depuis sa présence au
pouvoir, les dialogues initiés par lui n'ont jamais convaincu personne. C'est
un procès en illégitimité que les congolais lui ont toujours fait du fait de
son mode d'accession au pouvoir et de sa gestion clanique et mafieuse.
Deuxièmement, l'ACTE réitère qu'il est favorable à un
dialogue républicain sans SassouNguesso. Un dialogue fondé sur les
conditionnalités évoquées plus haut; et sur le bilan complet de la gouvernance
du pouvoir actuel ces trente dernières années.
Le dialogue doit se faire sans lui qui de tout temps s'y
est opposé par pure tradition du règne sans partage. La fin de son régime est
une raison objective qui invalide sa présence dans toute assemblée discutant de
l'avenir du pays.
Ce dialogue permettra de donner l'image d'une classe
politique responsable. Ses conclusions, rapportables dans un mémorandum, seront
communiquées à l'opinion et aux instances internationales pour accompagnement
du processus politique post coup d'Etat.
Ce dialogue permettra de réhabiliter l'homme congolais dans
sa dignité et de le libérer des griffes d'un système monstrueux qui a fait de
lui un être dépendant et chosifié selon l'appartenance ethnique. A partir de
là, l'image d'une classe politique responsable peut voir le jour.
Les conclusions de ce dialogue, rapportables dans un
mémorandum, seront communiquées à l'opinion et aux instances internationales
pour l'accompagnement du processus post coup d'Etat.
L'ACTE reconnaît que tous les partis ont en leur sein des
courants et des personnalités rejetant le système. Il serait alors possible que
ces courants acquis au changement se meuvent dans le sens d'une même dynamique
de changement de régime autour d'un dialogue pour concevoir une transition
républicaine d'où émergera une nouvelle ère démocratique.
En effet, le dialogue doit être un moment historique de
consensus sur la république et pour le vivre ensemble dans la république.
L'ACTE conçoit trois formes de dialogue républicain. D'une
part, le dialogue inter régional pouvant aboutir à une république fédérale à
partir des régions actuelles. D'autres part, le dialogue inter communautés
sociologiques (Kongo-Lari, Tékés, Luango, Niboland, Ngala) pouvant donner lieu
à une fédération des sociologies. Le dialogue entre les communautés
sociologiques est justifié parce que une communauté nationale se conçoit à
partir des hommes qui la composent. Nullement à partir des terres. Les terres
sont des espaces naturelles et ne constituent pas en cela des espaces de
souveraineté intrinsèque. La souveraineté est un attribut propre à l'humain qui
l'exerce de droit inaliénable. Chez les bantu, l'humain appartient à une
communauté sociologique. Dans le cadre d'un dialogue des sociologies, chaque
sociologie apporte son sceau ou totem sacré et engage ainsi sa souveraineté
pour aboutir à une fédération en cas d'entente; ou à une séparation en cas de
divergences. Enfin, le dialogue sur des bases idéologiques et politiques, avec
comme point d'ancrage, le rejet de toute forme de considération ethno-tribale
dans le choix des dirigeants et à l'ascension sociale de nos concitoyens.
Fait à Paris, le 2 juillet 2015.
Pour l'ACTE, le Président
T.J. SENGA
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