mardi 18 novembre 2008

Edgard Mfoumou-Né nous propose sa réflexion autour de son livre.




La reconstruction du Congo-Brazzaville :

la Synthèse


Ce livre est le fruit d’une réflexion intellectuelle et politique de mon vécu sur le Congo-Brazzaville à travers des activités dans les milieux associatifs et politiques. Il s’adresse aux Congolais, aux Africains et à tous ceux qui ont soif de culture et de connaissance sur l’Afrique en général et le Congo-Brazzaville en particulier. Il s’inscrit aussi dans la perspective de servir de matériau utile aux futurs bâtisseurs du Congo.


L’écriture de ce livre tient d’une double motivation. D’abord le combat contre la dictature pour ne pas laisser le totalitarisme s’installer en tradition politique. Dans ce sens, la Synthèse pose les problématiques au cœur du contentieux républicain longtemps éludé et tenu comme tabou, et qui se traduit par des comportements hégémoniques des accédants au pouvoir. Ensuite, il y a la raison morale et intellectuelle qui consiste d’une part à laisser des repères historiques aux générations post Conférence Nationale Souveraine ; d’autre part, à livrer l’analyse et la réflexion sur le règne révolutionnaire que le Congo a vécu et vit encore sous une forme débridée, dépoussiérée de ses slogans rébarbatifs d’antan. À ces deux raisons, s’ajoute le fait que l’avenir post coup d’État se prépare maintenant pour éviter les incertitudes et les errements d’hier et actuels. L’après Sassou est une mutation culturelle qui doit s’opérer à deux niveaux. Premièrement, replacer le citoyen au cœur de la société et de l’action des pouvoirs publics. Deuxièmement, instituer une pratique réellement démocratique et transparente de la politique.


Ma réflexion part d’un constat : l’absence de valeur ajoutée à l’indépendance et ce qui ressemble à une incapacité à se développer face au cycle des calamités et l’accumulation des contre-sens.

La reconstruction a un sens éminemment politique et socioéconomique. C’est une problématique qui consiste à hisser le pays à une dimension digne et respectable sur le plan intérieur et au niveau international. Étant donné que le Congolais ne jouit que d’un statut symbolique de ressortissant territorial. Sa citoyenneté est bafouée. Son identité est de moindre valeur. La reconstruction du Congo est nécessaire sur le plan des valeurs pour parvenir à un État de droit capable de restaurer la dignité des Congolais. Car actuellement, la hiérarchie des valeurs est inversée.

La reconstruction dont parle ce livre est différente de la municipalisation du régime qui est un concept cache misère. Il est mis en avant pour donner l’illusion d’un développement en cours du pays, alors qu’en fait, il ne s’agit ni plus ni moins qu’un des moyens pour meubler les déplacements de Mr Sassou à l’intérieur du pays et pour enrichir l’oligarchie locale qualifiée par le même régime d’opérateurs véreux.


La municipalisation du régime ressemble à un saupoudrage de gestion du pouvoir. C’est une fausse bonne idée qui se situe aux antipodes d’une volonté d’offrir une vie décente aux Congolais. Cette municipalisation ignore la hiérarchie des urgences du pays. À savoir : la santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable, l’électricité, l’hygiène publique et alimentaire dont l’OMS vient de rappeler l’urgence. Cette municipalisation est l’arbre qui cache la forêt de la misère à l’image de la ville de Pointe-Noire qui présente un visage miséreux contrastant avec son poids économique.

La reconstruction au sens de la Synthèse est une approche qui prend en compte et met en valeur les éléments clés du développement intégral d’une société. Partant de l’humain, dans ses aspects culturels et ses dispositions juridiques, au matériel signifiant la réalisation d’infrastructures stratégiques de développement socio-économique.


Et la Synthèse, est la recherche d’une voie de cohérence pour donner à la république un sens, une norme et une identité respectable. Elle procède par une approche rationnelle : Tirer les enseignements à travers les stigmates de l’histoire du Congo-Brazzaville dont les tournants décisifs sont : la colonisation, la pseudo révolution d’août 1963, le coup d’État d’octobre 1997.

La colonisation est le premier ingrédient de la Synthèse car le système colonial, partout où il a sévi, a profondément modifié l’évolution sociale et politique. Il a fragilisé et marginalisé le pouvoir traditionnel local. Au Congo, il a inversé la hiérarchie sociale et politique. L’élite relativement jeune est devenue le responsable d’une société postcoloniale. Cette situation a induit des comportements décomplexés de la sagesse coutumière des anciens. Cette colonisation pose la problématique d’accès aux ressources naturelles de l’Afrique et celle de la souveraineté du pays. La cohérence consiste alors à ne pas demeurer un acteur passif qui subit les assauts économiques et le jeu d’influence géostratégique du reste du monde.


La pseudo révolution d’août 1963 a été une période sombre de l’histoire où l’alliance socialiste MSA, éclipsée par l’UDDIA de Fulbert Youlou, a d’abord créé les conditions de l’instauration du parti unique au Congo, puis en son sein a réussi à déstabiliser et à faire chuter le régime démocratique. Le côté sombre de cette période est marqué par le fait que les révolutionnaires n’étaient pas porteurs d’un projet politique pour réformer le pays ou pour le développer. Ils étaient porteurs d’une revendication du pouvoir sur une base ethno tribale. Le discours officiel était constamment démenti par les actes de discrimination et de violence ciblée car le fusil de la révolution était en permanence tourné contre les populations civiles et les opposants dont nombreux ont payé de leur vie. Cette révolution pose la problématique suivante : Sans le fait accompli, l’institution présidentielle serait-elle accessible à une personnalité issue des minorités sociologiques du pays ? Ce livre répond à cette problématique.


Enfin, le coup d’État d’octobre 1997 a signé le retour à l’ordre ancien. C'est-à-dire, le monolithisme politique et l’État policier. Ce pronunciamiento est une négation de la Conférence Nationale Souveraine qui a mis fin à l’escroquerie politique baptisée révolution des trois glorieuses. Il est l’œuvre d’irréductibles révolutionnaires qui amplifient et transposent au sommet de l’État une culture incompatible avec le « vivre ensemble. » C’est aussi un processus d’expropriation accéléré du pays aux autochtones car le Congo est devenu un butin de guerre dont le régime s’octroie un droit de préemption sur les richesses nationales. Ce coup d’État pose la problématique de la représentativité de la diversité sociologique dans les institutions. Dans la première république sous Youlou, la diversité sociologique avait été bien intégrée. Cette intégration avait permis la présence de quelques avatars politiques qui polluent et saturent la vie nationale quarante ans après. La Synthèse trace la voie pour résoudre cette question de la représentativité qui est avant tout une résultante électorale en démocratie.


Toutes ces problématiques trouvent leur solution dans la Synthèse conçue comme un processus de cohésion à mettre en œuvre et qui ne se limite pas aux énoncés de ce livre. Cette réflexion soutient la nécessité de transcender les querelles intestines et de privilégier la république autour des valeurs cardinales : l’État de droit, la Citoyenneté et la Démocratie. D’un point de vue pratique, la Synthèse est une feuille de route qui s’appuie sur un cahier des charges qui définit une rationalité économique et politique pour réhabiliter le citoyen Congolais dans sa dignité, pour régénérer le patriotisme, réparer les injustices sociales causées par les faits politiques, et enfin, pour ressusciter la confiance et l’estime de l’État.

La Synthèse aborde d’autres problématiques telles que :

a) L’unité nationale passe t-elle par l’équation ethnique posée par les tenants de l’idéologie totalitaire et de la revendication ethno tribale du pouvoir ? L’approche unitaire des révolutionnaires est un schéma qui dissout le capital sacrificiel du passé dans l’idée de révolution qui remet à zéro les compteurs de la légitimité sociologique et ramène le curseur de l’histoire à l’année 1963. Parce que la lutte pour l’indépendance n’a pas été uniforme dans le pays, les révolutionnaires ont d’une part refusé de reconnaître le mérite des Congolais qui ont lutté pour la liberté et l’ont souvent payé de leur vie. D’autre part, ils ont censuré l’histoire authentique du pays. C’est une erreur qui coûte chère au pays le fait d’indexer l’unité nationale au monolithisme politique qui in fine a été incapable de gommer les différences et s’illustre par des alternances violentes. L’unité nationale doit être une construction politique qui passe par l’État de droit, la citoyenneté et la réalisation des objectifs qui fondent la cohésion sociale. Cette approche ne pose aucune préséance en termes de légitimité. La citoyenneté, par exemple, est une constante cardinale institutionnelle au dessus de toute considération subjective.

b) Quelle légitimité posera les bases d’un État de droit acceptable par tous ? La légitimité sortie des urnes est une référence temporelle soluble car ne disposant pas de mandat pour imposer une volonté unilatérale. L’élection reflète l’État de l’opinion à un instant donné et est sujet à caution car potentiellement contestable, dans ses déclinaisons politiques, par le suffrage qui l’a institué. Le fait accompli, le coup d’État, est une forfaiture dont le peuple s’empresse d’effacer les traces sitôt disparue. Cette problématique, fondamentale dans le processus de réappropriation du destin national, est largement abordée dans la Synthèse.

Cette réflexion développe aussi d’autres thèmes.

c) L’équation démocratique qui désunit l’élite Congolaise malgré le chaos. En effet, une certaine élite se complaît dans un conformisme gratifiant du pouvoir et de l’argent et laisse Mr Sassou assumer la sale besogne espérant ensuite hériter du pouvoir. L’esprit critique semble atrophié à cause de la dette morale due aux parents « généreux » qui l’a formé dans des conditions de favoritisme absolu. Bien que cela n’enlève rien au mérite potentiel de ces promus. Une autre élite baigne dans une sorte de fraternité des cercles de pensées qui l’obligent à soutenir les « frères ». Dans le même temps, le leadership intellectuel quant à lui botte en touche et laisse les politiques imposer leurs points de vue. À bien des égards, l’intellectualisme congolais se pervertit et se perd en conjectures mais rivalise de commentaires dans les arrières bancs. C’est un narcissisme qui n’en finit plus où beaucoup de congolais se demandent à quel saint se vouer.

d) Les Perspectives à court terme


Étant entendu que la génération des années soixante ne pourra plus développer le pays, car englué dans des antagonismes stériles et le gâchis de nombreuses opportunités, l’on ne peut écarter la nécessité d’une rupture générationnelle et politique pour assainir le paysage politique du pays qui mérite un renouvellement en profondeur. La Conférence Nationale Souveraine avait raté le coche car n’ayant permis que le recyclage d’un personnel politique décrié et en ayant dénaturé les problématiques majeures au profit d’une tribalisation des débats. Aujourd’hui, la préoccupation majeure n’est plus l’alternance, synonyme d’adhésion à l’architecture juridique issue du coup d’État, mais le changement qui n’établit aucune échéance et trie les hommes en fonction de leur culture politique et de leur mérite.


La Synthèse développe largement ces thèmes et bien d’autres. Elle situe les clivages idéologiques entre les centralistes, adeptes de l’idéologie de violence, et les républicains attachés aux valeurs de liberté, d’État de droit et de justice. J’ouvre ce débat et invite les Congolais et les Africains à réfléchir dans ce sens.


Fait à Paris le 11 novembre 2008

Paris-France

edgard.mfoumoune@free.fr




"La reconstruction du Congo Brazzaville": la synthèse
Disponible chez L'harmattan et dans les lieux de vente habituels.
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Consultant Formateur, chef d'entreprise